A
ma regrettée Tarant,
Vers
quel destin funeste court ainsi l'homme moderne? Voici une trentaine
d'année que j'ai quitté ma ville natale: à
l'époque où les premiers signes de l'industrialisation
croissante se faisaient sentir à la périphérie
de la ville. Elle n'était à cette époque
encore qu'une petite ville commerçante, il est vrai déjà
attirée par le profit facile ce qui explique l'adoption
rapide des innovations technologiques. Mon cher père, les
dieux aient son âme, préféra nous envoyer
à Qintarra pour notre éducation, étant de
sang elfique, l'accès de la cité ne nous fût
pas refusé. De notre refuge nous entendions parler de notre
ville d'origine, par les Belles-Gens qui nous entouraient. Certains
d'entre eux, et ils furent plus nombreux les années passant,
nous jetaient les regards habituellement réservés
aux étrangers qui viennent de Tarant. Ils accusaient notre
ville de perturber les flux magiques et de porter atteinte au
bon fonctionnement de la nature. Et ces accusations ils les retournaient
contre nous, nous imputant tous les maux de la terre. Nous fûmes
bientôt contraint de quitter Qintarra malgré les
vives protestations de certains membres du Conseil. Après
trente années d'exil nous étions heureux de retrouver
Tarant, bien que craignant d'y trouver ce que les rumeurs nous
avaient dépeints. Ce fut un choc terrible que de voir notre
ville tant chérie, dominée par les cheminées
des usines, couvertes d'une épaisse chape de fumée
qui rendait l'air irrespirable. De grandes machines de fer que
l'on nomme ici trains roulaient à la vitesse d'un cheval
au galop, dans un son strident. J'ai peine a dire que devant tant
d'horreur j'eus honte de ma ville et me sentis coupable. Nous
nous dépéchâmes dans la ville dans l'espérance
de trouver une auberge où nous isoler loin de toute cette
horreur. Nous passâmes un pont sous lequel coulait une bave
visqueuse, d'une couleur d'encre et où flottaient des bouts
de ce qu'ils appellent pneumatiques, des corps de poissons asphyxiés.
Nous courûmes alors dans les rues à la recherche
du parc où nous jouions enfants, dans l'espoir d'y trouver
un havre où se réfugier. Mais nous fûmes déçus,
des cinq hectares du parc de notre enfance il ne restait qu'un
petit carré de pelouse où s'entassait les familles
bourgeoises pour leur pique nique du dimanche parlant affaires
et projets industriels. Découragés nous avons filé
droit au premier hôtel et c'est d'ici que je vous envoie
cette lettre qui j'espère fera prendre conscience à
mes concitoyens, dois-je encore les appeler ainsi, de l'enfer
qu'ils ont créé et dans lequel ils vivent. Je vois
bien à présent que je ne pourrais vivre ici plus
longtemps, mais où irais-je si la population d'Arcanum
accueille si mal ceux originaires de Tarant?
N'Iam O'Leia.